Le secteur de la mode est en pleine évolution et une source d’inspiration ; c’est pourquoi la découverte de nouvelles marques et l’achat de produits ont connu un incroyable bouleversement. Fashion Forward, notre rapport sur la mode, explore ces changements du point de vue de trois tendances distinctes : les illustrations inclusives, l’éthique à la une et le luxe accessible. Pour découvrir comment ces changements influencent les consommateurs sur Instagram, nous avons commandé une étude des statistiques comportementaux, Canvas8, pour discuter avec l’experte de mode Emma Hope Allwood.

En tant que directrice du département mode chez Dazed Digital, Emma Hope Allwood troque les avis sur les ourlets et les silhouettes pour des discussions sur le lien entre mode et culture numérique. En travaillant à la fois sur les contenus de marque, éditoriaux et des réseaux sociaux, elle est la plus à même d’analyser la manière dont la mode se rapporte à ce que nous pensons, ce que nous achetons et ce qui nous incite à indiquer « J’aime » sur Instagram.

Canvas8 a interrogé Emma pour obtenir sa vision pragmatique sur la relation entre la mode et les réseaux sociaux, et sur la façon dont les plates-formes telles qu’Instagram influencent un secteur qui évolue à toute allure.

De nos jours, il y a une culture jeune mondiale qui existe grâce aux réseaux sociaux, et même si elle se compose de tribus aux styles bien différents, vous avez réellement la sensation qu’il s’agit d’une communauté mondiale. Un(e) jeune qui grandit à Londres et qui utilise Instagram n’est pas très différent(e) d’un(e) autre grandissant à Paris ou Berlin et utilisant lui/elle aussi Instagram. Quand il s’agit de mode, l’habillement a toujours été un support utilisé pour démarquer différents groupes, pour exprimer l’individualité, pour communiquer ou déclarer quelque chose concernant l’identité. Cela n’a pas changé, mais aujourd’hui, c’est sur des plates-formes comme Instagram que les gens font ces déclarations. Ce qui signifie que la mode a une influence plus grande que jamais.

J’ai grandi avec l’idée que la mode était cet élément exclusif, intouchable, réservé à une poignée d’élu(e)s. C’était un sentiment incroyablement aliénant. Maintenant, il y a un changement qui commence à se refléter dans le secteur au sens large. Cette sensation que la mode ne devrait peut-être pas être si pyramidale, avec un petit groupe d’élu(e)s dictant les règles du jeu, mais qu’elle pourrait, et devrait, être plus diversifiée. Grâce aux plates-formes telles qu’Instagram, les jeunes ont aujourd’hui un accès incroyable à ces différents types de personnes et d’idées sur la beauté et la mode, bien loin de cet idéal singulier qui était présentait autrefois. Je pense que c’est un signe fort parce que cela ouvre les yeux des gens sur différentes expériences et diverses façons d’être beau en dépassant les normes établies avec lesquelles j’ai grandi. Le plus important c’est que cela a permis aux marques de réaliser que pour mener leurs campagnes, elles peuvent embaucher une personne transgenre ou de grande taille, ou n’importe qui s’émancipant de la définition étroite d’un modèle dépassé.

Même s’il y a eu cette étrange fausse émancipation et conscientisation autour d’enjeux sociaux tels que le féminisme, je ne suis pas sûre que les marques évoquent suffisamment la durabilité. C’est quelque chose qui me passionne particulièrement. Mais la durabilité n’est pas vraiment sexy et c’est très compliqué. Pour mon audience et mes pairs, cela saute aux yeux lorsque les entreprises ne sont pas sincères. Il n’y a rien qui vous dégoûte plus d’une entreprise que savoir qu’en réalité elle ne prête aucune importance aux problèmes auxquels elle semble s’attaquer. Mais il y a des marques qui utilisent Instagram pour raconter des histoires sur la durabilité de la bonne façon, par exemple la marque d’athleisure, Girlfriend Collective (@girlfriend), qui crée des vêtements de sport à partir de bouteilles en plastique recyclées. Son imagerie est naturellement très variée : elle dispose d’une gamme de tailles et de modèles adaptés aux différents types de corps. Vous sentez bien que ce n’est pas juste du marketing, mais bien son identité comme entreprise.

Ma génération et la suivante ne veulent pas avoir à attendre. Des plates-formes comme Depop (@depop) ont rendu l’achat d’articles d’occasion pratique et tentant. Au lieu des brocantes et des boutiques de bienfaisance, l’expérience d’achat a été traduite dans la langue d’Instagram : des photos et des selfies cools et bien à-propos. Et pour les acheteurs/acheteuses averti(e)s plus aisé(e)s, il y a Vestiaire Collective (@vestiaireco) ou The Real Real (@therealreal), où ils/elles peuvent rechercher parmi les archives et collections des stylistes, et sélectionner la garde-robe dont ils/elles ont toujours rêvé.

Les plates-formes sociales comme Instagram ont offert de nouvelles pistes pour une narration approfondie, permettant aux consommateurs de tisser des liens et des relations émotionnels avec une marque ou un produit. Ce sont bien plus que juste des nouveaux produits, par exemple il y a des comptes exceptionnels comme Pechuga Vintage (@pechuga_vintage). Un bon compte vintage sur Instagram suscitera l’engouement autour d’un aspect de la mode ou des collections qu’il propose ; par exemple, le compte de Pechuga peut utiliser une vidéo du programme emblématique de Tom Ford de la fin des années 90 dédié à Gucci comme un avant-goût de ce qui arrivera prochainement en boutique. La force du vintage réside dans le moment représenté par la création et la narration qu’il y a derrière. Instagram peut vous permettre d’approcher et de toucher l’histoire de la mode.

Tout le monde parle du rôle des influenceurs/influenceuses et j’ai vraiment hâte de voir comment cela va changer avec la durabilité. Traditionnellement, les influenceurs/influenceuses sont des magazines vivants qui portent les tout derniers modèles de la saison et des tendances actuelles. Cette sensation de nouveauté est au centre du modèle commercial de qui ils/elles sont et de ce qu’ils/elles font. C’est pourquoi je suis impatiente de voir comment ils/elles peuvent évoluer pour devenir plus durables. Les vloggers/vloggeuses ont commencé à évoquer un peu plus le minimalisme, en laissant tomber la mode éphémère et avec la mort de la vidéo « haul », qui est le parfait exemple de notre surconsommation massive. L’une des raisons pour lesquelles je travaille dans le secteur de la mode c’est parce que je crois que nous pouvons créer un monde meilleur et plus ouvert. Mais vous devez pour cela dépasser les gestes superficiels et purement symboliques et vous assurer que ce que vous faites fait réellement avancer les choses, que ce soit en termes de durabilité ou de représentation.

Téléchargez notre rapport, Fashion Forward, pour découvrir les tendances clé de lamode et la manière dont les marques communiquent avec les audiences sur Instagram.